vendredi 27 juin 2014

Entretien dans le journal La Croix du 28/06/04


Entretien avec Joël Thoraval réalisé par François Vayne
 
Pour le Journal La Croix

Joël Thoraval a annoncé son départ du poste de président du Secours catholique,
lors des Journées nationales de l'association.

Pourquoi avoir choisi Lourdes pour annoncer votre départ ?

Joël Thoraval :

À Lourdes sont nos sources, c'est là que notre fondateur, Mgr Jean Rodhain, repose depuis 1977, et c'est là que s'enracine notre action de solidarité envers les plus déshérités. Pour répondre au souhait de Bernadette, la petite messagère de Lourdes, la cité Saint-Pierre du Secours catholique y accueille les pèlerins en difficulté à longueur d'année. Les grands rendez-vous de l'histoire de notre association ont traditionnellement lieu dans ce cadre, où nous venons encore de vivre nos Journées nationales. Après six ans au service du Secours catholique, j'ai donc choisi Lourdes pour passer le relais à mon successeur nouvellement élu, Jean-Pierre Richer, qui était préfet du Nord et du Pas-de-Calais, homme d'une grande foi et parfait organisateur.

 Le Secours catholique a-t-il besoin de ce retour régulier à ses sources spirituelles ?

La taille de notre association, les nécessités de gestion et d'organisation, impliquent que nous revenions souvent à Lourdes pour garder le cap fixé par Mgr Rodhain : la proximité avec les plus démunis, non pas de façon supérieure, en se penchant sur les pauvres, mais en découvrant notre propre pauvreté cachée, souvent intérieure, pour être capables d'un vrai partenariat avec les personnes en difficulté. Pendant six ans, je n'ai cessé de rappeler l'enracinement spirituel du Secours catholique.

 Vous étiez préfet de la République avant de prendre vos fonctions à la tête du Secours catholique. Vous parlez de spiritualité, est-ce un fruit de votre évolution personnelle ?

Préfet pendant environ seize ans, j'ai eu à cœur de me nourrir de la Parole de Dieu en permanence, conscient qu'un retour radical à nos sources spirituelles s'impose, notamment à ceux qui sont plongés dans l'action (1). Je reste fidèle à la lecture quotidienne de cette Parole vivante, et le Secours catholique a permis la germination de ce travail personnel sur les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament. J'ai découvert avec bonheur la doctrine sociale de l'Église, et j'ai à cœur de relayer cette doctrine, de la faire mieux connaître. Mgr Jean Rodhain est pour moi le modèle du chrétien qui a su mettre cette doctrine en pratique : la charité en actes.

Souhaitez-vous sa béatification ?

Pour l'instant le plus important est de redécouvrir la pensée de Jean Rodhain. Beaucoup de nouveaux membres du Secours catholique doivent s'imprégner de son expérience. C'est à cela que j'ai travaillé en favorisant la publication d'ouvrages le concernant, et en engageant une recherche et une analyse de tous ses écrits, menée par un prêtre.

 Quels ont été vos grands chantiers pendant ces six années ?

J'ai voulu que nous réalisions le passage de l'assistance des personnes en difficulté à l'association, de la bienfaisance à l'accompagnement. Il fallait, en 1998, concrétiser les décisions prises par notre association à Bercy deux ans auparavant. Ma mission a été de permettre cette transformation pour que nous n'en restions pas à des formules creuses, idéologiques. J'ai cherché à être un artisan de paix, car il y avait de fortes tensions, notamment entre la structure nationale et le réseau des bénévoles. Visitant 104 délégations sur 106, j'ai voulu écouter, rencontrer les équipes, l'évêque, le préfet, tisser des liens entre tous, faire passer un souffle et circuler le sang dans le grand corps du Secours catholique.

De plus, un comité national des bénévoles a été créé pour représenter les 68 000 personnes qui donnent de leur temps et de leur argent au service des autres, et sans lesquelles rien ne serait possible dans l'association. Ils sont notre force, car ils assurent l'action de proximité, or il n'y avait pas encore de service du bénévolat au siège du Secours catholique. De même, j'ai suscité un comité des donateurs et j'espère qu'il y aura une structure de ce type dans chaque délégation, car nous ne serions rien sans le soutien fidèle d'un million de donateurs, petits donateurs souvent, et fidèles pour 500 000 d'entre eux. Enfin, j'ai élaboré la «règle» du Secours catholique, afin de clarifier les procédures et ainsi de ramener la paix, la justice, l'équité.

 Un regret, avant de quitter vos fonctions ?

La communication est bien organisée dans l'association, au plan théorique et technique, mais il reste beaucoup à faire pour rejoindre les extrémités du réseau, et informer vraiment les bénévoles. D'autre part, il y a toujours des résistances à vivre l'association et l'accompagnement des personnes en difficulté, telle que nous le proposons ; je crois que cela vient en partie d'une méconnaissance de la doctrine sociale de l'Église, qu'il nous faut de toute urgence approfondir (2). Le plus difficile est de se convertir en acceptant sa propre pauvreté, humblement, pour un dialogue réel avec ceux qui sont en difficulté.

Recueilli par François VAYNE

 1) Parle Seigneur, ton serviteur écoute, de Joël Thoraval, vient d'être réédité (Cerf/Parole et Silence, 848 p., 35 euros).

(2) Charité à cœur ouvert, entretiens de Joël Thoraval avec Jacqueline Dornic, préface du cardinal Etchegaray (Cerf, 188 p., 19 euros). ***

 

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