Entretien avec Joël Thoraval réalisé par François Vayne
Pour le Journal La Croix
Joël Thoraval a annoncé son
départ du poste de président du Secours catholique,
lors des Journées
nationales de l'association.
Pourquoi avoir choisi Lourdes pour annoncer votre départ ?
Joël Thoraval :
À Lourdes sont nos sources, c'est là que notre fondateur, Mgr Jean Rodhain,
repose depuis 1977, et c'est là que s'enracine notre action de solidarité
envers les plus déshérités. Pour répondre au souhait de Bernadette, la petite
messagère de Lourdes, la cité Saint-Pierre du Secours catholique y accueille
les pèlerins en difficulté à longueur d'année. Les grands rendez-vous de
l'histoire de notre association ont traditionnellement lieu dans ce cadre, où
nous venons encore de vivre nos Journées nationales. Après six ans au service du
Secours catholique, j'ai donc choisi Lourdes pour passer le relais à mon
successeur nouvellement élu, Jean-Pierre Richer, qui était préfet du Nord et du
Pas-de-Calais, homme d'une grande foi et parfait organisateur.
La taille de notre
association, les nécessités de gestion et d'organisation, impliquent que nous
revenions souvent à Lourdes pour garder le cap fixé par Mgr Rodhain : la
proximité avec les plus démunis, non pas de façon supérieure, en se penchant
sur les pauvres, mais en découvrant notre propre pauvreté cachée, souvent
intérieure, pour être capables d'un vrai partenariat avec les personnes en
difficulté. Pendant six ans, je n'ai cessé de rappeler l'enracinement spirituel
du Secours catholique.
Préfet pendant environ seize
ans, j'ai eu à cœur de me nourrir de la Parole de Dieu en permanence, conscient qu'un retour radical à nos
sources spirituelles s'impose, notamment à ceux qui sont plongés dans l'action
(1). Je reste fidèle à la lecture quotidienne de cette Parole vivante, et le Secours
catholique a permis la germination de ce travail personnel sur les textes de
l'Ancien et du Nouveau Testament.
J'ai découvert avec bonheur la doctrine
sociale de l'Église, et j'ai à cœur de relayer
cette doctrine, de la faire mieux connaître. Mgr Jean Rodhain est pour moi le
modèle du chrétien qui a su mettre
cette doctrine en pratique : la charité en actes.
Souhaitez-vous sa béatification ?
Pour l'instant le plus important
est de redécouvrir la pensée de Jean Rodhain. Beaucoup de nouveaux membres du
Secours catholique doivent s'imprégner de son expérience. C'est à cela que j'ai
travaillé en favorisant la publication d'ouvrages le concernant, et en
engageant une recherche et une analyse de tous ses écrits, menée par un prêtre.
J'ai voulu que nous réalisions
le passage de l'assistance des personnes en difficulté à l'association, de la
bienfaisance à l'accompagnement. Il fallait, en 1998, concrétiser les décisions
prises par notre association à Bercy deux ans auparavant. Ma mission a été de
permettre cette transformation pour que nous n'en restions pas à des formules
creuses, idéologiques. J'ai cherché à être un artisan de paix, car il y avait
de fortes tensions, notamment entre la structure nationale et le réseau des
bénévoles. Visitant 104 délégations sur 106, j'ai voulu écouter, rencontrer les
équipes, l'évêque, le préfet, tisser des liens entre tous, faire passer un
souffle et circuler le sang dans le grand corps du Secours catholique.
De plus, un comité national
des bénévoles a été créé pour représenter les 68 000 personnes qui donnent de
leur temps et de leur argent au service des autres, et sans lesquelles rien ne
serait possible dans l'association. Ils sont notre force, car ils assurent
l'action de proximité, or il n'y avait pas encore de service du bénévolat au
siège du Secours catholique. De même, j'ai suscité un comité des donateurs et
j'espère qu'il y aura une structure de ce type dans chaque délégation, car nous
ne serions rien sans le soutien fidèle d'un million de donateurs, petits
donateurs souvent, et fidèles pour 500 000 d'entre eux. Enfin, j'ai élaboré la
«règle» du Secours catholique, afin de clarifier les procédures et ainsi de
ramener la paix, la justice, l'équité.
La communication est bien
organisée dans l'association, au plan théorique et technique, mais il reste
beaucoup à faire pour rejoindre les extrémités du réseau, et informer vraiment
les bénévoles. D'autre part, il y a toujours des résistances à vivre
l'association et l'accompagnement des personnes en difficulté, telle que nous
le proposons ; je crois que cela vient en partie d'une méconnaissance de la doctrine sociale de l'Église, qu'il nous faut de toute urgence approfondir (2). Le plus difficile
est de se convertir en acceptant sa propre pauvreté, humblement, pour un
dialogue réel avec ceux qui sont en difficulté.
Recueilli par François VAYNE
(2) Charité à cœur ouvert,
entretiens de Joël Thoraval avec Jacqueline Dornic, préface du cardinal
Etchegaray (Cerf, 188 p., 19 euros). ***
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